GERER SON PATRIMOINE AVEC UNE SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE

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RESUME

Les sociétés civiles immobilières de droit commun sont appelées sociétés de gestion immobilière en ce qu’elles poursuivent l’objectif avant tout d’organiser au mieux la gestion d’un bien immobilier. Elles n’exploitent pas une entreprise et elles n’ont pas pour vocation de réunir des partenaires désirant travailler ensembles. Mais elles constituent un instrument de gestion remarquable, en bénéficiant de la grande liberté contractuelle qui régit la rédaction de leurs statuts. Certaines limites ou fausses croyances méritent néanmoins considération sous peine d’exposer leurs fondateurs à des mauvaises surprises. Il existe donc des bonnes voire des très bonnes raisons pour « mettre un bien » en société civile immobilière. Et il en existe également quelques mauvaises ou certains inconvénients devant appeler réflexion.

DEVELOPPEMENTS

Avant toute autre considération, il est vivement conseillé de ne mettre qu’un unique bien immobilier dans une société civile immobilière, quand bien même la multiplication de ces sociétés à raison de chaque bien emporte des couts de gestion également démultipliés. Dans le cas surtout où elle a été assujettie sur option à l’impôt sur les sociétés, ou qu’elle s’y trouve assujettie de droit dès lors qu’elle pratique des locations meublées considérées fiscalement comme commerciale, la société civile immobilière ne cèdera en principe plus ensuite l’immeuble qu’elle détient, tant l’imposition de ses plus-values sera pénalisante 1. Pour la même raison, elle n’a pas vocation à sa dissolution dans la même hypothèse. Pour le cas où la vente d’un bien serait envisagée, elle s’opèrera en pratique par la cession des parts sociales de la société. Ce qui implique que ladite société ne détienne que ce seul bien sous peine de devoir céder dans le même mouvement la totalité des biens dont elle serait propriétaire. Pour éviter cet écueil, il faut donc créer impérativement autant de sociétés civiles de gestion que d’immeubles pour permettre la vente éventuelle de chaque immeuble séparément. Cette précaution rappelée, la société civile immobilière dite de gestion constitue un formidable instrument de gestion immobilière, aussi bien d’un point de vue patrimonial que d’un point de vue fiscal.

D’un point de vue patrimonial, elle constitue d’abord une technique de gestion dont le premier avantage, entre membres d’une famille ou entre associés, est de permettre de réunir les capacités financières de chacun pour permettre l’acquisition d’un bien immobilier, ou la construction d’un immeuble pouvant être occupé par ses associés ou loué à des tiers. D’autres formes sociales seraient envisageables. Mais la société civile immobilière présente l’avantage, par comparaison avec d’autres sociétés telles que la SARL 2 ou les sociétés par actions 3, que ses statuts bénéficient d’une plus grande liberté contractuelle pour prévoir sur mesures les relations entre ses associés, voire réaliser toutes sortes de fantasmes juridiques qui ne seraient pas envisageables dans d’autres sociétés 4. Par comparaison avec l’acquisition d’un immeuble en indivision qui est souvent réalisée par des époux, notamment par des époux mariés en séparation de biens, la société civile présente une supériorité déterminante, en ce que sa gestion bénéficie d’une organisation légale dans le Code civil, aussi minimale soit-elle. Laquelle lui permet d’échapper au principe calamiteux de l’unanimité qui régit les indivisions, qui conduit souvent au dépérissement des immeubles indivis faute de trouver l’unanimité des indivisaires pour l’éviter 5. Pour cette raison, l’impératif d’organiser une gestion immobilière performante commandera à des propriétaires indivis, par exemple en indivision successorale ou matrimoniale, s’ils en sont d’accord, de créer entre eux une société civile immobilière. Cette opération pourra s’effectuer selon deux modalités différentes. Soit par apport de leurs droits indivis à cette société. Soit par une vente de ceux-ci à la société civile immobilière constituée entre eux. Dans le deuxième cas de la cession de droits indivis à une société civile immobilière spécialement créée à cet effet, chaque propriétaire indivis recevra en contrepartie de la vente de ses droits indivis une partie du prix de vente de l’immeuble à la société déterminée à concurrence du pourcentage de ses droits. Telle opération connue de longue date sous le nom de « vente à soi-même » ou « owner’s buy out » (OBO) présentant un triple intérêt 6 : organiser et sécuriser au mieux la gestion de l’immeuble, individualiser clairement les intérêts de chaque propriétaire indivis, et en même temps monétiser leurs droits indivis sur l’immeuble en leur distribuant à due proportion de ces droits indivis leur valeur en argent. Dans le cas d’une succession ou d’un divorce, cette opération peut éviter la vente en urgence de l’immeuble à un tiers, avec la forte décote pouvant en résulter. Surtout, elle peut organiser par avance la possibilité par un associé d’acheter plus tard, dès qu’il en aura la possibilité, les parts de ses coindivisaires. Ce de telle manière à devenir ultérieurement le seul propriétaire et conserver le bien dans la famille, en lieu et place de sa vente à un tiers. D’un point de vue patrimonial, la constitution d’une société civile immobilière multiplie les avantages au service de la meilleure gestion d’un immeuble.

D’un point de vue fiscal, la constitution d’une société civile immobilière permet sur option d’assujettir la location d’un immeuble à l’impôt sur les sociétés, alors que ceux-ci auraient été assujettis normalement sans elle à l’impôt sur les revenus dans la catégorie des revenus fonciers. Telle option peut se révéler particulièrement avantageuse, notamment pour des foyers fiscaux déclarant des revenus élevés, alors que la tendance en France est d’alourdir de plus en plus l’impôt sur le revenu, pour alléger dans le même temps l’impôt sur les sociétés. L’institution du prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 30 % régissant la distribution de dividendes des sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés est le parfait symbole de cette tendance profonde, quand bien même ce taux de 30 % pourrait subir une élévation prochainement. Mieux vaut en France, tout au moins d’un point de vue fiscal, être associé dans une société assujettie à l’impôt sur les sociétés que travailleur assujetti à l’impôt sur le revenu. Et sans doute vaudra-t-il mieux prochainement dans l’avenir être « locataire avec soi-même » de la société civile immobilière constituée pour gérer un bien immobilier, plutôt que directement propriétaire de celui-ci. Ce à quoi tend précisément la « vente à soi-même » mis à part la location à un tiers. Outre cette tendance générale, de multiples autres considérations peuvent militer pour la constitution d’une société civile immobilière assujettie à l’impôt sur les sociétés, concernant la déductibilité fiscale des intérêts d’emprunt, des dépenses d’entretien, de réparation voire de modernisation de l’immeuble, des taxes foncières ayant augmenté à tel point depuis la disparition de la taxe d’habitation qu’elle peuvent représenter en certains endroits jusque 4 mois de loyers. A ces avantages faudrait-il encore ajouter encore la déductibilité des frais d’acquisition de l’immeuble, ainsi que la possibilité de l’amortir pour que les amortissements viennent en déduction des loyers perçus. Etant rappelé néanmoins qu’en cas de revente de l’immeuble, les amortissements pratiqués et imputés sur les loyers donneront lieu à une plus-value de l’immeuble dont l’imposition sera plus pénalisante dans une société assujettie à l’impôt sur les sociétés que dans une société assujettie à l’impôt sur le revenu 7. Et étant rappelé encore que la nécessité de s’interdire de constituer pareille société dans un but qui serait principalement ou exclusivement fiscal, sous peine de s’exposer à un abus de droit fiscal pouvant donner lieu à des conséquences pénalisantes. La constitution notamment d’une société civile immobilière avec l’objectif principal d’imputer sur les loyers les grosses réparations prévues par avance est très surveillée. Elle constitue un premier exemple s’agissant des mauvaises raisons de créer une société civile immobilière.

S’agissant des mauvaises raisons de créer une société civile immobilière, mis à part l’objectif principalement ou exclusivement fiscal déjà dénoncé, la principale consiste à croire que celle-ci pourrait servir à mettre un bien à l’abri de ses créanciers. Certes, l’apport ou la vente d’un immeuble à une société a pour effet de le faire sortir du patrimoine de son propriétaire, pour le faire entrer dans le patrimoine de la société. La constitution d’une société civile immobilière implique donc un cloisonnement des patrimoines. L’immeuble n’est donc plus lui-même le gage des créanciers de son ancien propriétaires. Pour autant, ce cloisonnement n’offre pas l’étanchéité à laquelle on pourrait croire naïvement. Dans l’hypothèse d’un apport de l’immeuble à la société, les parts sociales reçues en contrepartie de la valeur l’immeuble sont entrées corrélativement dans le patrimoine de son ancien propriétaire. Contrairement à une idée répandue laquelle est fausse, ces parts sociales sont évidemment saisissables par ses éventuels créanciers, quand bien même la procédure pour les saisir se révèlera en pratique plus complexe, et en même temps pour eux plus incertaine, car à la différence d’un immeuble, la vente forcée de parts sociales est toujours aléatoire car le marché en est très fermé. Reste que du point de vue de l’associé poursuivi en paiement, ses parts sociales reçues en contrepartie de l’apport de l’immeuble à la société pourront être saisies. Pareille opération pourra être également contestée par les créanciers en invoquant une fraude par l’action dite paulienne qui a été prévue précisément à cet effet par le Code civil, avec la conséquence qu’elle leur sera déclarée inopposable. Le résultat de l’inopposabilité étant que l’opération sera censée n’avoir jamais existé à l’égard des créanciers. Il faut donc fuir comme la peste aussi bien la tentation de la fraude que celle de l’abus de droit fiscal.

Sans être en soi une mauvaise raison de la constituer, la discipline résultant de la constitution d’une société civile immobilière ne doit pas être sous-estimée. Outre les frais afférents à sa constitution elle-même, qui sont modeste, et ceux plus onéreux afférents à une rédaction intelligente des statuts, la vie régulière d’une société civile emporte d’autres frais dont l’opportunité doit être rapprochée des avantages qu’elle aura délivrés. Contrairement à une idée répandue, une société civile exige une comptabilité annuelle quand bien même cette exigence n’est pas imposée directement par la loi. Par-delà les statuts qui l’imposent habituellement, la Loi par les dispositions du Code civil impose à la gérance une reddition annuelle des comptes qui doit être chiffrée. Ce qui revient concrètement à imposer une comptabilité en sus des déclarations fiscales qui ne peuvent s’y substituer contrairement à une opinion également répandue. Les assemblées générales annuelles doivent être également régulièrement convoquées et réunies. Dans l’immense majorité des sociétés civiles familiales, cette discipline est purement et simplement ignorée. Avec la conséquence d’exposer la constitution de la société à un grief de fictivité, avec les conséquences fiscales et patrimoniales potentiellement graves en résultant. Par souci de sécurité juridique avec le confort psychologique en résultant, et en même temps d’économies d’échelle concernant ces charges de gestion ainsi que l’entretien et la réparation de l’immeuble, la gérance de la société civile pourra être confiée par ses statuts ou par son assemblée générale à une autre société spécialisée à cet effet, ayant la même activité qu’un syndic d’immeuble. Ce en exploitant un autre avantage de la société civile, lequel tient à ce que sa gérance peut être confiée à une personne morale et non pas seulement à une personne physique.

D’autres inconvénients principalement fiscaux, nombreux, mériteront également réflexion en exigeant un examen de chaque situation patrimoniale et fiscale particulière.

Notes Bas de page

1 Pareilles plus-values sont envisageables non pas seulement dans l’hypothèse de la valorisation dans le temps du bien immobilier, mais également pour le cas où celui-ci aurait fait l’objet d’amortissements en réduisant sa valeur comptable, ce qui peut faire l’objet d’une décision de gestion si la société a été assujettie à l’impôt sur les sociétés, avec l’intérêt de les imputer sur des éventuels loyers et de réduire d’autant l’assiette de cet impôt.

2 La SARL de famille peut avoir un intérêt spécifique entre membre d’une même famille en ce qu’elle est commerciale par sa forme, et qu’à la différence d’une société civile, elle autorise par conséquent les locations meublées qui ont un caractère commercial, avec la possibilité dans le même temps de demeurer transparente d’un point de vue fiscal si les conditions en sont réunies, ce qui évite l’imposition pénalisante des plus-values de l’immeuble qui résulte de l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés, si la perspective d’une revente entre dans les prévisions des parties.

3 La Société par Actions Simplifiée (SAS) pourrait être également envisagée concurremment à la société civile, avec deux inconvénients néanmoins. D’un point de vue juridique, la liberté contractuelle pour la rédaction des statuts y est beaucoup plus limitée que dans une société civile. Ce dans l’intérêt des tiers, puisque ses associés ne sont pas indéfiniment responsables des dettes sociales à l’égal de ceux d’une société civile. D’un point de vue pratique, l’éventuelle demande de crédit immobilier par une SAS sera assujettie par les banques à la procédure du crédit aux entreprises, nettement plus contraignante que celle du crédit au particulier qui régit habituellement les sociétés civiles immobilières.

4 Un inconvénient de la sociétés civile est qu’elle exige pour les besoins de sa constitution au moins deux associés, à la différence de la SARL et de la SAS qui peuvent être constituées par un seul associé en devenant des sociétés unipersonnelles (EURL ou SASU). Mais cet inconvénient peut devenir un avantage lorsque la société civile poursuit l’objectif non pas de la seule gestion de l’immeuble mais également de sa transmission.

5 L’indivision peut également être organisée pour les besoins de sa gestion par un contrat bénéficiant d’une liberté contractuelle aussi étendue voire plus que celle qui régit les statuts d’une société civile. Mais elle ne bénéficie pas de la personnalité morale, ce qui lui interdira par exemple d’agir en justice au service de ses intérêts, à la différence d’une société civile

6 Le paiement du prix de l’immeuble s’opère par la souscription d’un crédit immobilier lequel sera remboursé par les loyers acquittés par le ou les occupants de l’immeuble. 7 Ce qui peut justifier selon les cas la constitution d’une SARL de famille en lieu et place d’une société civile immobilière si les conditions sont réunies pour son assujettissement à l’impôt sur le revenu.

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